dimanche 19 décembre 2010

La crise : structurelle ou pas ?

Le Crédit Agricole vient de m’adresser sa note économique trimestrielle fort complète comme toujours. Sa lecture est une opportunité de se poser des questions quant à notre futur économique et social dans la mesure où l’on peut extrapoler les résultats du passé pour prédire l’évolution des économies mondiales. Les analystes économiques ont largement démontré que leurs compilations de nombreuses statistiques, observations diverses étaient encore largement perfectibles, mais faute de mieux leurs indicateurs doivent être agrémentés de nos propres analyses et, il faut bien l’avouer, de nos convictions.

Cela dit, j’observe que l’édito de cette dernière édition (N° 131 1er trimestre 2011) avance timidement le débat d’idées selon lequel « la faible croissance actuelle ne serait pas un phénomène structurel… mais comme une faiblesse conjoncturelle, passagère par essence. » Certes le commentaire de l’édito porte sur l’économie américaine mais je retrouve dans l’analyse de nombreuses similitudes avec l’économie de notre pays en commençant par la croissance.

Autant dire que je partage l’avis de l’auteur de cet édito qui considère, en reprenant les leçons de la crise des années 70, qu’il est une absolue nécessité de recréer les conditions de la convergence économique en Europe. Sinon, « il sera de plus en plus difficile de gérer une zone euro dont la boite à vitesses n’est pas équipée de marche arrière ». Si la réduction des déséquilibres des comptes publics fait partie de cette absolue nécessité, le débat électoral qui va s’intensifier en 2011 ne sera pas propice à leur mise en œuvre. Pour avoir été confronté de très près à la gestion de la communication locale destinée à supporter la récente réforme des retraites, j’ai pu apprécier le fait que nos élus étaient beaucoup plus motivés pour porter les bonnes nouvelles que les mauvaises ou en tout cas celles qui sont perçues comme telles par l’électorat. Autant dire, que la communication ne viendra pas des élus. La neige de ce mois de décembre n’a-t ’elle pas couvert médiatiquement les nombreuses mesures votées dans le cadre de loi de finance 2011 pour tenter de minimiser le déficit budgétaire ? Avez-vous entendu votre sénateur ou votre député s’exprimer sur ce sujet ? S’il l’a fait pour supporter ces mesures, alors il a le courage que sa mission requiert. Mais il ou elle reste une exception ; dans ces conditions, il sera très difficile pour notre pays d’atteindre les objectifs de réductions des déficits annoncés.

Le second levier actionnable pour tendre vers un retour à l’ « équilibre » (c’est-à-dire 3 % de déficit et moins de 60 % de taux d’endettement) reste la croissance. Mais comment nos entreprises peuvent-elles en trouver le chemin alors que nos concurrents affichent une insolente progression de leur PIB ?

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En 2000, l’écart de croissance entre les pays du groupe BRIC et ceux du G3 (Allemagne, Japon et US) était d’un peu plus de 2 points. Cet écart a doublé en 10 ans ; il est actuellement de plus de 4 points. Quatre points qui font défaut aux économies occidentales. Quatre points acquis pour longtemps par ces pays, vers lesquels nous avons délocalisé notre production industrielle et nos capacités de création. Car croire encore que nous avons le monopole des idées est une vision plutôt étriquée du monde. La Chine et l’Inde produisent chaque année de très nombreux ingénieurs qui sont au moins aussi qualifiés que ceux qui sortent de nos écoles. Croire ou affirmer que les usines de ces pays fabriquent que des produits de bas de gamme est mal les connaitre.

imageSource : Crédit Agricole

Il sera donc pour le moins difficile de retrouver le chemin de la croissance ceci d’autant que les PME françaises sont sous capitalisées et de beaucoup plus petites tailles que les Allemandes pour établir une comparaison avec notre premier partenaire économique. Autant de raison pour lesquelles les analystes du Crédit Agricole sont moins optimistes que ceux de Bercy en ce qui concerne la croissance pour 2011 ; 1,5 % pour le CA contre 2 % pour ceux de Bercy.

Je crains donc que nous soyons contraints de vivre avec une croissance moins forte que celle annoncée par nos dirigeants politiques. Par conséquent les revenus de transferts (les aides de l’Etat) devraient être réduits, ce qui équivaut pour de nombreuses personnes à une baisse du revenu et du pouvoir d’achat. Car n’oublions pas qu’un demi-point de PIB[1], ce n’est pas loin de 10 milliards d’euros en moins pour l’économie française. Ce phénomène sera sans doute couplé à une inflation un peu plus marquée sur l’ensemble de la zone euro et un taux de chômage qui restera proche de 9 %.


A la lecture de ces faits, je suis convaincu que nos économies occidentales doivent affronter une modification structurelle des relations internationales et que nous ne devons oublier l’aspect éphémère que contient le mot “crise”. Nous devons, chacun à notre niveau, admettre que quelques milliards d’hommes et de femmes à l’autre bout de la planète ambitionnent aussi d’atteindre un niveau de vie supérieur et qu’ils font tout pour produire une partie de la richesse que nous avons su produire jusqu’à présent. Sans entrer dans un protectionnisme dangereux pour nos échanges internationaux, nous devons accepter une réduction inéluctable de notre niveau de vie. Réduction qu’il peut cependant être possible de limiter partiellement si nous trouvons les moyens techniques et sociaux d’augmenter notre productivité globale. Travailler plus – pour le même salaire est sans doute une piste. La réduction du chômage me semble aussi être une priorité tant ce fléau est destructeur de productivité… mais j’avoue que je sèche un peu pour proposer une solution, Une TVA sociale est sans doute une piste à considérer ; la répartition du travail (35 heures) c’est avéré être un échec. Les flexibilité du travail ne fait qu’inciter les grandes entreprises à délocaliser un peu plus rapidement.

Automatiser les tâches, améliorer encore notre créativité industrielle et dynamiser nos approches commerciales et soutenir la création de PME de plus grandes tailles sont donc aussi d’autres pistes à considérer.

Pas très réjouissant ce scénario, mais c’est aussi un ensemble d’opportunités car c’est souvent lorsque qu’une agression extérieure se profile que les acteurs se remettent en question !

Jean-Claude MORAND – 18/12/10


[1] En 2009, le PIB de la France a été de 1907 milliards d’euros. Source : INSEE http://www.insee.fr/fr/themes/theme.asp?theme=16&sous_theme=1

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